Jésus s’est fait reconnaître des deux disciples dans l’extraordinaire récit qui était l’Evangile du soir de Pâques. Aujourd’hui, l’Eglise nous propose la suite de ce récit. S’il fallait, d’un mot, l’appliquer à notre vie d’aujourd’hui, je dirais : « Donne-nous, Seigneur, ta Présence, comme sur la route d’Emmaüs ! ».
Car il y a de nombreux pèlerins d’Emmaüs aujourd’hui : nous avançons sur des chemins d’inquiétude, pour de multiples raisons que nous connaissons tous et que les médias et les journaux nous rappellent sans cesse. Les deux disciples s’en allaient l’air sombre, je marche peut-être avec eux, je suis peut-être comme eux ; mais ce passage de l’Evangile de Saint Luc peut me donner ta Présence, Seigneur, ta Présence dans la vie qui est la mienne, qui est la nôtre aujourd’hui.
Je ne rejoins pas le Christ, Il me rejoint : comme avec les deux disciples que Jésus rejoignit sur la route : « Jésus Lui-même était au milieu d’eux » ; Dieu a toujours l’initiative : relisez tous les récits d’apparition de Jésus dans les quatre Evangiles. Il en est de même pour chacune de nos routes humaines : Jésus nous rejoint. Où ? Très exactement dans ce que nous sommes en train de vivre, pas ailleurs ! Affirmation banale ? Peut-être, mais je connais peu de gens qui l’acceptent vraiment : nous nous entêtons à le chercher ailleurs… Essayons d’inverser le cours de nos pensées : au lieu de nous évader dans des projets, des rêves, dans l’imaginaire, revenons à notre vie très concrète, souvent banale, parfois très difficile : c’est là , soyons-en certains, que Jésus marchera avec nous.
Alors Il nous dira, comme aux deux disciples : « Pourquoi êtes-vous bouleversés ? » Car Jésus vient dans le plus prosaïque, le plus tragique, comme le plus souriant de ce qui m’arrive ; que de rendez-vous manqués parce que nous ne l’attendions pas là , parce que nous n’avons pas su le voir ! C’est toujours Jésus qui a l’initiative, même quand je crois que c’est moi qui ai voulu le rencontrer, dans la prière, dans un sacrement, dans l’écoute de mon frère ; c’est toujours lui qui m’a précédé et m’a mis au cÅ“ur le désir de le rencontrer en vérité.
« C’est bien moi ! » : C’est le deuxième temps de toute rencontre avec Jésus : Il se fait reconnaître. Les quatre Evangiles, chacun à sa manière, manifestent très clairement que les Apôtres, ou les femmes, ne voient pas un esprit, leur imagination ne leur fait pas voir Jésus comme s’il s’agissait d’un fantôme, non : « C’est bien moi ! »
Et il leur montre ses mains et ses pieds, ils portent la marque des clous, la Passion n’est pas effacée par la Résurrection, le Christ est à jamais un Messie crucifié. Et il mange avec eux, comme Il l’avait fait lors du dernier repas ; c’est ainsi qu’ils le reconnaissent, dans le réalisme de la vie quotidienne. Mais voilà ! Jésus ne m’est pas apparu ! A vous non plus sans doute ? Comment le reconnaître ? Il me semble bien souvent que si Jésus vient dans ma vie pour faire route avec moi, cela ne change pas grand’chose !
Jésus a dit aux deux disciples : « Esprits sans intelligence ! CÅ“urs lents à croire ! » Le grand mot est lâché : croire ! Il s’agit de n’être pas lent à croire, de n’être pas lourdaud, ou rustre, devant les prévenances de Dieu ! Si ma vie reste banale, voire médiocre, c’est que Jésus y est sans y être, parce que je ne L’ai pas encore reconnu ; seule une foi plus aiguë, plus exercée, pourrait saisir cette Présence, en faire le soleil de ma vie ; la force de la présence active de Jésus dans ma vie dépend de ma foi ; alors je Le rencontrerai, je Le reconnaitrai agissant en moi, comme Il a agi dans les Apôtres. Tout dépend de cet acte de foi puissant et renouvelé : je vois ce que je peux vivre avec Toi, Seigneur, je vois parce que je crois.
Père André Lacau