Viens Esprit Saint !

Frères et sœurs, comment résister au mal qui ravage notre monde ? Comment éviter les divisions qui défigurent notre humanité, y compris notre Eglise ? Nous avons besoin d’un Défenseur, celui que le Christ nous a promis et envoyé après sa résurrection. Face aux mensonges et aux erreurs qui nous enveloppent de leurs ténèbres, il est « l’Esprit de vérité qui rend témoignage et glorifie » le Christ et qui « nous conduit dans la vérité tout entière ». Face aux actions que mène la chair (inconduite, impureté, débauche, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, envie…) et autres choses du même genre, il nous donne de produire son fruit qui est « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi » (2° lect.) ? Nous ne pouvons produire ce fruit que si l’Esprit Saint nous irrigue, ce qui implique que nous le laissions agir en nous. Malheureusement, nous ressemblons souvent à des bateaux dont les voiles sont affalées si bien que, lorsque le vent souffle, nous ne bougeons pas ou trop peu. Alors, hissons nos 7 voiles, qui sont les 7 dons du Saint-Esprit que nous avons reçues lors de notre confirmation (7 étant signe de plénitude). Ils sont des dispositions stables (des habitus) qui nous permettent de nous laisser mouvoir (dans notre mémoire, notre intelligence et notre volonté) par l’Esprit qui survient parfois comme « un violent coup de vent » (1° lect.), parfois comme une brise légère (1R19,12). Etudions-les l’un après l’autre à la lumière de la vie du Christ mais aussi de celle des saints.

 

Les 2 premiers dons nous établissent dans une juste relation avec le Seigneur. La crainte est le fondement de toute la vie spirituelle, c’est pourquoi elle est très souvent évoquée dans l’Ancien Testament, en particulier dans les livres de sagesse. Comme le feu détruit les immondices et comme l’eau permet de se laver, le Saint-Esprit détruit en nous tous les germes de perversité : « Dans la fièvre (de nos passions), la fraîcheur… lave ce qui est souillé » (séq.) Craindre Dieu ne signifie pas avoir peur de Lui, mais peur de l’offenser. Quand on aime quelqu’un, on ne veut pas le blesser. La crainte de Dieu implique donc l’humilité, le respect, la pudeur, l’adoration, la tempérance (la vertu cardinale qui lui est associée). Elle nous permet de prendre conscience de la distance infinie qui nous sépare de Celui qui est le Créateur, le Tout-Autre, le Tout-puissant… Au moment de son agonie à Gethsémani, Jésus dit à son Père : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. » (Lc 22,42) La devise de Blanche de Castille, qu’elle transmit à son fils saint Louis, était : « la mort plutôt que le péché »

Alors que la crainte nous place dans une juste distance vis-à-vis de Dieu, la piété nous place dans une juste proximité. Le respect et l’admiration qu’un enfant éprouve pour son papa ne l’empêchent pas de se précipiter dans ses bras pour être caressé. Comme le feu réchauffe ce qui est froid et comme l’eau assouplit ce qui est dur, le Saint-Esprit crée de la tendresse : « baigne ce qui est aride, assouplis ce qui est raide, réchauffe ce qui est froid » (séq.) La piété est aussi synonyme de confiance, de dévotion. Elle nous rend proche de Dieu mais aussi des autres, tout comme la crainte nous place à la juste distance de notre prochain. La piété de Jésus se manifesta notamment lorsqu’il priait son Père, parfois pendant la nuit entière… Parmi les saints, nous pouvons penser à Philippe Néri, dont la piété était si grande qu’il entrait en extase à chaque fois qu’il célébrait l’eucharistie, si bien qu’il décida de mettre un chat sur l’autel afin de le distraire suffisamment pour l’en empêcher.

Le don de science nous permet de connaître le chemin qui conduit vers Dieu, notamment à travers les Ecritures mais aussi la Création et l’Histoire. Il nous permet de reconnaître la beauté de la nature[i], car elle est l’œuvre de Dieu[ii], mais aussi sa précarité, car elle est aussi abîmée par le prince de ce monde (Jn 12,31) et par nos péchés. Grâce à ce don, Jésus ne se fiait pas à tous car il « connaissait ce qu’il y a dans l’homme. » (Jn 2,25) Grâce à ce don également, certains saints pouvaient lire à l’intérieur des cœurs, comme le curé d’Ars avec ses pénitents.

Connaître la volonté de Dieu est une chose, l’accomplir en est une autre. Le don de force nous permet non seulement d’accomplir des actions difficiles voire héroïques, mais aussi tout simplement de réaliser notre devoir d’état. Il nous permet de persévérer dans les épreuves et de résister dans le combat spirituel. Jésus en a fait preuve particulièrement au moment de sa Passion et de sa crucifixion. C’est grâce à lui que les martyrs ont pu donner leur vie à sa suite. Souvenons-nous de Pierre qui, sommé par les autorités juives de ne plus témoigner de la Bonne nouvelle, répond : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Ac 5,29)

Le conseil, nous guide dans telle ou telle situation concrète. Comme le dit Jésus à Nicodème, « le vent souffle où il veut : tu entends le bruit qu’il fait, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Il en est ainsi de tout homme qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8)[iii] Jésus s’est laissé conseiller par le Saint Esprit, notamment lorsqu’il est parti au désert: après son baptême, c’est lui qui l’y « pousse» (Mc 1,12) et qui le « conduit » pendant les 40 jours (Lc 4,1). C’est aussi l’Esprit qui a conduit les premiers disciples, comme saint Luc le souligne sans cesse dans les Actes des Apôtres[iv].

A travers la Révélation, le don d’intelligence nous permet de pénétrer dans le mystère de Dieu, de comprendre de l’intérieur la foi et les Écritures, de distinguer l’erreur de la vérité. Jésus en a fait preuve dès l’âge de 12 ans, lorsque ses parents le retrouvèrent au temple, «  assis au milieu des docteurs de la Loi : il les écoutait et leur posait des questions, et tous ceux qui l’entendaient s’extasiaient sur son intelligence et sur ses réponses. » (Lc 2,46‑47) Parmi les saints, Paul et Thomas d’Aquin, chacun à leur époque, ont reçu abondamment ce don d’intelligence pour nous éclairer sur le mystère de Dieu.

La sagesse est le don ultime. Comme le feu embrase une bûche et la rend tellement incandescente qu’elle devient elle-même source de chaleur et de lumière, la sagesse nous unit à Dieu et nous divinise. Mais comme la même eau permet à chaque plante de porter son fruit propre, différent d’une espèce à l’autre, le Saint-Esprit nous divinise tout en nous rendant unique. Comme disait le bienheureux Carlo Acutis, « nous naissons tous comme des originaux et beaucoup terminent comme des photocopies ». La sagesse donne de la saveur à la vie. Elle est le don par excellence des gouvernants mais paradoxalement, elle n’est donnée qu’aux tout-petits : « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » (Mt 11,25) Jésus manifeste ce don notamment sur la Croix : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » (Lc 23,34) Voici son jugement : au lieu de condamner, il pardonne… Parmi les saints, Louis en fit preuve lorsqu’il jugeait son peuple sous le chêne de Vincennes, à la manière du roi Salomon qui avait rendu son célèbre jugement pour départager les 2 femmes prostituées qui se disputaient le même enfant.

 

Pour conclure, frères et sœurs, rendons grâce à Celui qui nous a donné son Esprit avec ces 7 dons magnifiques, bien plus précieux que n’importe quel trésor. Avec lui, comme les apôtres qui sortirent du Cénacle le jour de la Pentecôte, témoignons partout de la Bonne Nouvelle. N’ayons peur ni des réactions hostiles, ni de nos ignorances : le Défenseur, l’Esprit Saint, nous conduira vers la vérité tout entière et nous donnera de porter son fruit, qui sera le plus beau témoignage de l’amour que Dieu a pour nous et pour toutes ses créatures. « Viens en nous, père des pauvres, viens, dispensateur des dons, viens, lumière de nos cœurs » !

P. Arnaud

 

[i]  « Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres », disait saint Bernard de Clairvaux, qui savait reconnaître Dieu à l’œuvre dans la nature.

[ii] « Depuis la création du monde, on peut voir avec l’intelligence, à travers les œuvres de Dieu, ce qui de lui est invisible : sa puissance éternelle et sa divinité » écrit saint Paul (Rm 1,20).

[iii] Ce don nous aide à discerner non seulement entre  le bon et le mauvais, mais aussi entre le bon, le mieux et le parfait : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. » (Rm 12,2)

[iv] C’est lui qui dit à Philippe de rejoindre le char de l’eunuque éthiopien (Ac 8,29), à Pierre de suivre les envoyés du centurion Corneille qui sont venus à sa rencontre (Ac 10,19), aux disciples réunis pour le culte d’envoyer Barnabé et Saul en mission (Ac 13,2) Ou encore à ces deux apôtres de ne pas aller dans la province d’Asie (Ac 16,6), ce qui va finalement les conduire jusqu’en Europe, aux disciples réunis en concile à Jérusalem de ne pas imposer aux païens le rite de la circoncision  (Ac 15,28), etc.