Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, alléluia !

Frères et sœurs, pourquoi cette célébration, source et sommet de notre année liturgique, est-elle source d’une immense joie ? D’une part parce que 7 d’entre nous vont recevoir les 3 sacrements de l’initiation chrétienne et être ainsi greffés au Corps du Christ.  D’autre part parce que nous célébrons sa victoire sur les forces de la mort. Lorsqu’une équipe gagne un match, nous voyons comment un village, une ville ou une nation tout entière entrent en liesse. Un de mes confrères missionnaire en Argentine m’a écrit récemment que leur victoire en Coupe du monde continue d’être célébrée, plusieurs mois plus tard. Eh bien la victoire du Christ est source pour nous d’une joie infiniment plus grande que celle d’une équipe de football. Elle concerne tous les êtres humains de tous les pays et de tous les temps, et elle concerne aussi toutes les dimensions de notre être. Puisque notre religion est celle de l’incarnation, je vous propose de voir comment elle touche non seulement notre âme mais aussi notre corps, avec ses 5 sens : la vue  (par la lumière), l’ouïe (par la Parole, la musique et les chants), l’odorat (par l’encens), le toucher (par l’eau) et le goût (par le chocolat chaud).

 

La lumière : Dans le prologue de son évangile, en référence à la création de la Genèse (1° lect.), Jean écrit : « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ; la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. » (Jn 1,4-5) Au début de notre célébration, c’est ce que nous avons signifié en allumant et en contemplant le cierge pascal, symbole de la victoire du Christ sur les forces de la mort. C’est le « cœur » de la Bonne Nouvelle, ce qu’on appelle le kérygme : Christ est mort et ressuscité pour nous. Désormais, c’est à nous d’en témoigner auprès de ceux qui vivent dans les ténèbres de ce monde. Comme nous nous sommes transmis la lumière de cierge à cierge, la Bonne nouvelle s’est transmise de cœur à cœur depuis Marie Madeleine, les 12 apôtres et les 4 évangélistes jusqu’aujourd’hui. Jésus a dit : « Je suis venu allumer un feu sur la terre » (Lc 12,49). Tous les autres feux doivent être combattus par nos valeureux pompiers, mais celui-ci doit au contraire être propagé pour embraser la terre entière, glacée par la haine et l’indifférence (ce n’est pas un hasard si Dante a décrit l’enfer comme un univers de glace). De plus, la lumière que nous nous sommes transmis symbolise notre Espérance car nous sommes des veilleurs, dans l’attente du retour de notre Seigneur.

 

La Parole, la musique et les chants : Le christianisme, comme le judaïsme, est une religion de la Parole. N’oublions pas que le premier commandement commence par ces mots : « Ecoute Israël » (Dt 6,4) Nous avons une bouche mais deux oreilles, ce qui nous rappelle la primauté de l’écoute. Saint Jacques écrit que « chacun doit être prompt à écouter, lent à parler » (Jc 1,19) mais c’est plutôt l’inverse qui se produit dans notre société. Ce soir, de façon exceptionnelle, nous avons écouté 7 lectures en plus de l’épître et de l’évangile, parce que nous croyons que comme la pluie et la neige qui descendent des cieux fécondent la terre, ainsi la parole de Dieu féconde nos cœurs (4° lect.) Nous-mêmes avons parlé, notamment en prononçant le mot Amen qui exprime notre foi, mais nous avons surtout chanté. Parfois, la parole est insuffisante pour exprimer ce qui est dans le cœur, seuls la musique et le chant le permettent. Au début de la célébration, quelle joie de chanter l’exultet ! Après la lecture du passage de la mer rouge, quelle joie de chanter avec les Hébreux : « Éclatante est sa gloire : il a jeté dans la mer cheval et cavalier ». Et avant l’évangile, quelle joie de chanter alléluia qui signifie « louez le Seigneur » ! Ce mot devrait rester désormais continuellement dans notre cœur, comme certaines rengaines qu’on se surprend à chanter tout au long de la journée après les avoir entendues un matin à la radio.

 

L’encens : Pourquoi répandre de l’encens à plusieurs reprises durant cette célébration ? D’abord parce qu’avec sa fumée, il symbolise notre prière qui monte vers Dieu (c’est pourquoi les mages en ont offert à Jésus, en signe de sa fonction sacerdotale). Mais aussi parce qu’avec sa bonne odeur, il symbolise le Christ ressuscité. Alors que la mort produit une mauvaise odeur (souvenons-nous de Lazare, mort depuis 4 jours, qui sentait déjà (Jn 11,39), on dit de certaines personnes qu’elles sont en odeur de sainteté. Comme l’écrit saint Paul, « nous sommes pour Dieu la bonne odeur du Christ, parmi ceux qui accueillent le salut comme parmi ceux qui vont à leur perte ; pour les uns, c’est un parfum de mort qui conduit à la mort ; pour les autres, un parfum de vie qui conduit à la vie » (2Co 2,15-16). Comme certains font brûler de l’encens pour lutter contre les mauvaises odeurs, nous sommes appelés à répandre la bonne odeur du Christ dans ce monde où la putréfaction du mal se fait partout sentir.

 

L’eau : Celle que vont recevoir les 7 catéchumènes et nous ensuite est un symbole à la fois de mort et de vie. C’est pourquoi les premiers chrétiens étaient plongés 3 fois dans un grand baptistère rempli d’eau, la descente symbolisant leur mort au péché et la remontée leur résurrection en Christ. Le passage de la mer rouge (3° lect.) en était la préfiguration : passage de l’esclavage en Egypte à la liberté des enfants de Dieu (même s’il faudrait aussi le passage par le désert pour achever cette transformation). L’eau jaillie du cœur de Jésus sur la croix est aussi le symbole de l’Esprit Saint qui, comme une eau vive, nous lave de nos péchés et nous désaltère de notre soif. Alors que l’eau devient une richesse de plus en plus précieuse, notre planète asséchée nous renvoie à tant de cœurs assoiffés de paix, de justice, de vérité… Si Jésus a dit à la Samaritaine : « donne-moi à boire » (Jn 4,7) puis sur la croix : « j’ai soif » (Jn 19,28) c’est parce que lui-même désire tout cela, et d’abord notre amour.

 

Le chocolat chaud : Ce cinquième élément peut nous inciter à sourire, et tant mieux, mais il ne doit pas être négligé. Même s’il touche d’abord notre cinquième sens, celui du goût (et après plus de 2heures de célébration, il sera sans doute très apprécié par nos papilles), il est aussi le symbole de la convivialité et du partage, une attente que certains d’entre vous avaient exprimée lors du synode. La joie de la résurrection, nous ne pouvons pas la goûter de façon individualiste, chacun dans notre coin. Nous formons un seul Corps, celui du Christ, et nos échanges seront donc une façon de prolonger le geste de la communion qui nous a permis de partager un même pain.

 

Ainsi, frères et sœurs, la résurrection du Christ nous remplit d’une joie qui peut nous combler, corps et âme. Et justement, elle préfigure notre propre résurrection, qui concernera aussi notre corps et notre âme. Et comme il faut du temps pour remplir les citernes du désert avec l’eau de la pluie, nous avons besoin de temps pour remplir nos cœurs de la joie de l’Esprit. C’est pourquoi l’Eglise nous offre, après les 40 jours du Carême, 50 jours de temps pascal. Les difficultés que nous ne manquerons pas de rencontrer ne pourront pas étouffer en nous la joie.  Comme le dit saint Augustin dans un sermon de Pâques célèbre : « Chantons dès ici-bas l’alléluia au milieu de nos soucis, afin de pouvoir un jour le chanter là-haut dans la paix ». Pendant toute cette période qui va nous mener jusqu’à la Pentecôte et la célébration de l’Esprit, ne cessons pas de chanter dans nos cœurs, même au milieu de nos soucis : « Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité, alléluia » !

P. Arnaud