Que cherchez-vous ?

Frères et sœurs, que cherchons-nous ? Au-delà de nos aspirations multiples et superficielles, quel est notre désir le plus profond ? Mystérieusement, ce désir rejoint celui de Dieu pour nous, c’est-à-dire notre vocation. A beaucoup d’entre nous, qui sommes mariés ou consacrés à Dieu, la question de la vocation peut sembler inutile, si nous la considérons sous un angle unique, celui de l’état de vie. Certes, l’Église nous invite à prier régulièrement pour les vocations au sacerdoce, à la vie religieuse, au mariage… Cependant, alors que beaucoup ne reçoivent pas ces appels-là, nous sommes tous appelés à la sainteté, qui est notre vocation commune, mais sous un mode qui nous est propre. Et pour nous y conduire, le Seigneur ne cesse de nous lancer des appels, jour après jour. Alors, comment les entendre et y répondre ? Nous devons franchir 3 étapes : d’abord, être attentifs et disponibles ; ensuite, accomplir l’œuvre à laquelle il nous appelle en lui demeurant unis ; enfin, témoigner de lui pour permettre à d’autres d’entendre ses appels et de le suivre.

 

Pour commencer, nous devons désirer Dieu afin d’être attentifs à ses appels et d’être disponibles pour y répondre. Ce n’est pas un hasard si l’année liturgique commence par l’Avent, qui est essentiellement un temps de veille : « veillez et priez » ! La vie de foi ne peut exister si nous sommes endormis spirituellement. Il y a 2000 ans, beaucoup de Juifs étaient dans l’attente du Messie, et c’est pourquoi ils étaient avec Jean au bord du Jourdain. Leur désir du Sauveur les rendait ouverts à la grâce, capables de reconnaître leurs péchés et prêts à changer de vie. Il en est de même pour nous aujourd’hui : « Toute la vie du vrai chrétien est un saint désir » (saint Augustin). Beaucoup de nos contemporains ont étouffé en eux le désir de Dieu en donnant toute la place dans leur cœur au désir de jouissance, de richesses, de pouvoir… Mais d’autres éprouvent le désir de Dieu, sans même en être toujours conscients, parce qu’ils sont au départ en quête simplement d’un absolu qu’ils ne connaissent pas. Comme le dit encore Augustin dans un autre sermon, « l’homme, avant de croire au Christ n’est pas en route, il erre ». Mais « errer est déjà une recherche. »

Attention, cependant, à ne pas confondre la voix de Dieu avec d’autres voix. Satan, l’adversaire, qui est un pur esprit, peut appeler lui aussi ; or il est Lucifer, le porteur de lumière, et il se déguise de telle sorte que le mal prenne l’apparence du bien. C’est pourquoi il est essentiel de discerner les appels que nous entendons intérieurement. Souvenons-nous du jeune Samuel (1° lect.). Alors que le Seigneur l’a appelé 3 fois, il a été incapable de le reconnaître parce qu’il ne le connaissait pas assez bien encore. C’est le prêtre Eli qui lui a ouvert les yeux afin qu’il puisse dire finalement : « Parle, ton serviteur écoute. » Lorsque nous ressentons un appel important qui peut modifier notre vie personnelle et familiale, il est bon que nous en parlions avec notre accompagnateur spirituel ou une autre personne en qui nous avons confiance. Après chacune des apparitions qu’elle reçut, sainte Thérèse d’Avila consulta son accompagnateur spirituel pour les authentifier[i].

 

Une fois qu’on a entendu un appel du Seigneur, que faut-il faire ? Avant de faire, il faut d’abord être et vivre avec Lui. Quand les disciples demandent à Jésus, dans la synagogue de Capharnaüm : « Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? », il leur répond : « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » (Jn 6,29) Et à Marthe qui s’agite pour le servir, Il l’invite à imiter Marie, qui sait demeurer paisiblement à l’écoute du Seigneur (Lc 10). De même, après que Jésus leur a demandé « que cherchez-vous ? », les 2 premiers disciples répondent avec beaucoup de sagesse : « Rabbi, où demeures-tu ? » Ils souhaitent demeurer quelque temps avec Jésus, car ils savent que c’est en côtoyant un homme qu’on apprend véritablement à le connaître et à éprouver sa valeur. Jésus le sait bien lui aussi, et il ne se dérobe pas : « Venez, et vous verrez ». C’est pour les disciples le début d’une longue aventure, dont Jean se souvient comme d’un moment de grâce particulier, à tel point qu’il précise : « C’était vers quatre heures du soir. »

Une grande tentation, chez les croyants, est d’agir pour Dieu. Les intégristes de toutes religions veulent faire à tout prix la volonté de Dieu, « que Dieu le veuille ou non ». Mais Dieu n’a besoin de rien, Il ne nous demande pas de faire des choses pour Lui, mais avec Lui et par Lui, afin d’être ses « instruments » ou ses « collaborateurs » pour servir les hommes (qui eux ont besoin de Lui). Voilà pourquoi la prière est fondamentale. Sans elle, on ne peut être uni à Dieu, on devient un « fonctionnaire de Dieu ». Après avoir appelé les Douze, Jésus les institua « pour être ses compagnons (sous-entendu : pour être avec lui d’abord) et pour les envoyer prêcher (ensuite) » (Mc 3,14). Mais quand ils refusèrent de lui obéir et de demeurer auprès de lui dans la prière à Gethsémani, ils ne purent plus lui être fidèles. Simon, que Jésus avait renommé « Pierre » au moment de l’appeler[ii], manifesta moins la solidité de la pierre que la faiblesse de la chair et le renia 3 fois. Seul « celui qui s’unit au Seigneur ne fait avec lui qu’un seul esprit » et peut « fuir la débauche » (la chair laissée à elle-même) et « rendre gloire à Dieu dans son corps » (2° lect.)

 

Après avoir répondu à un appel du Seigneur et accompli avec lui la tâche qu’il nous a confiée, il reste une dernière étape à franchir : témoigner de lui pour que d’autres puissent entendre ses appels et y répondre. Il est rare que le Seigneur appelle directement, comme Il l’a fait avec Saul de Tarse sur le chemin de Damas (même dans ce cas, d’ailleurs, il demanda à Ananie de le baptiser). Généralement, il passe par des médiations humaines, comme Jean le montre particulièrement dans son évangile. Le Baptiste invite ses disciples à suivre Jésus : « Voici l’agneau de Dieu ». L’un d’entre eux, André, va ensuite voir son frère Simon en lui disant : « Nous avons trouvé le Messie » et il l’amène à Jésus (Jn 1,41). Ensuite, après que Jésus a invité Philippe à le suivre, celui-ci trouve Nathanaël et lui dit : « Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth. » (v.45). Plus tard, Nathanaël, comme les autres apôtres, est allé témoigner du Christ jusqu’au bout du monde[iii].  La transmission s’est poursuivie…

Nous-aussi devons jouer ce rôle d’intermédiaires : nous ne pouvons forcer personne à croire, mais nous pouvons inviter ceux qui sont autour de nous, en particulier nos proches, à rencontrer le Christ d’une manière ou d’une autre. Imitons la petite Bernadette de Lourdes, qui a dit à propos du message de la Vierge Marie : « Elle ne m’a pas chargé de vous le faire croire, mais de vous le dire. »

 

Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous appelle tous à la sainteté. Comment y parvenir ? D’abord en étant des veilleurs, avec un grand désir de Dieu ; ensuite en accomplissant les tâches qu’Il nous confie avec lui et par lui ; enfin en témoignant de lui afin que d’autres puissent entendre ses appels et y répondre. La boucle est bouclée… Nous n’aurons jamais cessé de franchir ces 3 étapes, il nous faudra repasser par chacune d’entre elles jusqu’à la fin de notre vie, conscients que notre vocation à la sainteté et celle de nos frères seront toujours un idéal que nous ne pourrons atteindre qu’après notre mort, lorsque nous serons face au Seigneur. Parle, Seigneur, ton serviteur écoute !

P. Arnaud

[i] Cette authentification ne concerne pas que les saints et les mystiques. N’importe quel candidat au sacerdoce ou à la vie consacrée doit d’abord recevoir l’approbation de l’Église. Les années de séminaire ou de noviciat ne sont pas destinées seulement à la formation et au discernement des postulants, mais aussi au discernement des communautés sacerdotales ou religieuses dans lesquelles ils souhaitent entrer.

[ii] Ceux et celles qui embrassent la vie religieuse, le jour de leur profession, reçoivent un nom nouveau pour signifier leur vocation à une vie nouvelle dans le Christ.

[iii] Il serait mort martyr en Arménie.