Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes

Frères et sœurs, sommes-nous de bons missionnaires ? Avec plus de 2 milliards et demi de chrétiens (1/3 de la population mondiale), nous sommes encore une minorité par rapport à ceux qui ne la connaissent pas ou mal. C’est pourquoi le Seigneur nous appelle aujourd’hui à être des disciples-missionnaires, expression façonnée par le Pape François dans la Joie de l’évangile pour nous faire comprendre qu’on ne peut pas être disciple du Christ sans être en même temps missionnaire. On ne peut pas jouir égoïstement du trésor de la Bonne Nouvelle sans le partager avec d’autres. Ce trésor est spécial car plus nous le partageons, plus il s’accroit et nous rend de plus en plus riches. En quoi consiste notre mission ? D’abord à mettre en lumière le péché des hommes, pour les inviter au repentir. Ensuite à leur annoncer la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu qui est tout proche.

 

Pour commencer, notre mission est d’appeler les pécheurs à se repentir, comme l’a fait Jean Baptiste avant la venue du Christ. Pourquoi ? Parce que le péché obscurcit si bien le cœur de l’homme qu’il peut en venir à perdre conscience qu’il est pécheur, ou tout au moins à perdre le désir de vivre dans la lumière de Dieu. Autrement dit, le péché rend aveugle et prisonnier. Pourtant, parce qu’il a été créé à l’image de Dieu, l’homme ne peut jamais être défiguré au point de ne plus avoir en lui de désir de Dieu. Le Seigneur ne désespère jamais de l’homme, c’est l’homme qui peut désespérer de lui-même. Là est la grande différence entre Judas et saint Pierre. Alors que le premier n’a pas cru en la miséricorde infinie de Dieu et s’est pendu, le second a su accueillir son pardon et se repentir.

Le livre de Jonas témoigne que la conversion est toujours possible. Alors que le prophète reçoit la mission de partir à Ninive, la grande ville païenne aux mœurs dépravées, il refuse la mission et part dans une autre direction. Mais après que le Seigneur l’a amené à Ninive, d’abord contre son gré, dans le ventre d’une baleine, il se met à parcourir la ville en proclamant : « Encore quarante jours, et Ninive sera détruite ! » (1° lect.) C’est alors que l’incroyable survient : « Les gens de Ninive crurent en Dieu ; ils publièrent un jeûne et se revêtirent de sacs, depuis le plus grand jusqu’au plus petit. » Qui pouvait prévoir une conversion aussi rapide et radicale ? L’histoire de l’Église nous offre beaucoup d’autres exemples. Qui pouvait prévoir que Charles de Foucauld, dont les mœurs étaient complètement dissolues, deviendrait un ascète rayonnant de l’amour de Dieu et de ses frères ?

Notre rôle de chrétiens est de rappeler que des lois sont inscrites dans la conscience de l’homme. Si je plonge dans la mer sans bouteille d’oxygène et que j’y reste trop longtemps, je mourrai physiquement : c’est la loi naturelle. Si j’enfreins l’un des commandements de Dieu tels qu’ils sont exprimés dans le Décalogue, je mourrai spirituellement : c’est la loi divine. En ce moment, certains maux sont dénoncés dans notre société : le racisme, le sexisme… Tant mieux ! Mais n’oublions pas qu’il en existe beaucoup d’autres. En particulier, comment notre société peut-elle être aussi aveugle et injuste par rapport aux avortements ? Plus de 70 millions d’avortements sont pratiqués dans le monde chaque année, plus que la population française ! Nous ne pouvons pas nous taire alors que tant d’êtres faibles et innocents sont éliminés chaque jour. Pendant de nombreux siècles, l’esclavage a été considéré comme normal, avant que la conscience de l’humanité se réveille enfin. Quand allons-nous nous mettre fin à cette tragédie, dont les victimes sont non seulement les enfants mais aussi leurs parents, en particulier leurs mères qu’on pousse souvent à cet acte et à qui on offre rarement d’autres solutions ? N’imitons pas Jonas qui ne croyait pas que les Ninivites pourraient se convertir :  avec respect et douceur, nous devons éclairer les consciences avec la Parole de Dieu, sûrs que celle-ci peut les transformer.

 

Même si nous devons d’abord nous détourner du péché et appeler nos frères à faire de même, notre mission va plus loin : nous devons leur annoncer la Bonne Nouvelle, c’est-à-dire l’évangile. La conversion consiste non seulement à se détourner du péché, mais aussi et surtout à se tourner vers le Dieu d’amour qui s’est révélé en Jésus Christ. Certes le premier aspect est toujours présent dans les évangiles : « Va et ne pêche plus » dit Jésus à la femme adultère (Jn 8,11), et il révèle à la Samaritaine qu’elle a eu 5 maris, ce qu’elle voulait cacher (Jn 4,18). Mais ce qui est premier, à la fois chronologiquement et en importance, c’est l’annonce du Royaume. C’est ainsi que, dans l’évangile de Marc, Jésus commence sa mission en disant : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » Dieu n’est pas l’Etre lointain redouté ou ignoré par beaucoup, il est le Dieu d’amour qui nous invite à entrer dans son Royaume de paix et de joie. C’est cela, la Bonne Nouvelle, et parce qu’elle doit être connue de tous, Jésus appelle ensuite Simon et André, qu’il avait déjà rencontrés au bord du Jourdain (cf l’évangile de dimanche dernier) en leur disant : « Venez derrière moi. Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes. » Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’ils devaient sortir les hommes noyés dans leurs péchés à l’air libre de la grâce.

Une des plus belles manifestations du Royaume, c’est l’amour entre les croyants. Jésus a dit : « À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jn 13,35) Et au moment de son dernier repas : « Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jn 17,21) Cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens nous rappelle tout le travail qui reste à accomplir, non seulement avec nos frères et sœurs d’autres confessions mais aussi avec les autres catholiques, et d’abord ceux de notre propre communauté.

L’apôtre Paul, qui s’est converti radicalement après avoir vu et entendu le Ressuscité sur le chemin de Damas, a invité à la conversion et proclamé la Bonne Nouvelle. Il souligne aux Corinthiens que « le temps est limité » (2° lect.). Qu’est-ce que cela signifie ? Exactement ce que disait Jésus : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. » Il n’est plus temps de nous encombrer de préoccupations temporelles, il nous faut tourner nos cœurs vers le Ciel, dans l’attente de la rencontre avec l’Époux qui viendra nous combler de la joie de ses Noces avec l’humanité.  Certes, cela ne signifie pas que nous devons négliger notre devoir d’état et nos tâches temporelles. L’annonce de la Bonne Nouvelle est une urgence absolue, pour laquelle le Seigneur nous demande à tous de nous engager.

Notre société manque cruellement d’Espérance et de joie. Beaucoup de nos contemporains n’ont pas découvert le sens de leur existence. Si nous, chrétiens, ne les aidons pas, qui le fera ? Mais sommes-nous prêts à laisser derrière nous nos filets, c’est-à-dire nos activités les plus légitimes, et même à quitter parfois ceux que nous aimons, pour répondre aux appels du Christ ? Ceux qui font des achats, sont-ils prêts à être comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui tirent profit de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas » (2° lect.) ? Ce monde tel que nous le voyons est en train de passer, le Règne de Dieu continue de s’approcher, sommes-nous prêts à l’accueillir et à l’annoncer ?

 

Ainsi, frères et sœurs, le Seigneur nous appelle tous à être des missionnaires de la Bonne Nouvelle. Certes, les guerres et les maladies tuent beaucoup trop de personnes, mais le péché en tue bien davantage, et de façon infiniment plus grave. Les premières s’attaquent à notre corps, mais le second détruit notre âme. Demandons à l’Esprit Saint de nous aider à suivre le Christ à chaque fois qu’il nous appelle, pour être avec lui des pêcheurs d’hommes.

P. Arnaud